Mourir pour des idées

Publié le par Club Taurin de Bruxelles

La faute à ces capricieux agendas, il aura fallu attendre le 13 novembre dernier pour inviter l’équipe du magazine « Toros ». Une rencontre qui tombait à pic après cette morne* temporada 2010, marquée par la montée en puissance des antis, du scalp des arènes de Barcelone et Fréjus. Une fois de plus, le hasard a bien fait les choses à moins que ce ne soit grâce à ces satanés agendas. Retour sur cette première tertulia d'hiver sous la pluie belge qui nous accompagna de Bruxelles à Bruges. 


La venue au Club Taurin de Bruxelles de Joël Bartolotti, le directeur du plus vieux magazine taurin mondial encore actif (1925), nous a permis de recentrer le débat sur les vraies valeurs de la corrida et d’en décortiquer les dérives actuelles. Paradoxalement, Bartolotti, comme beaucoup d’autres, s'accorde pour dire que l’on n’a jamais aussi bien toréé qu'aujourd'hui, techniquement en tout cas. Ce constat censé être rassurant ne peut masquer le manque d'émotion de la saison dernière. L’ennui a gagné les gradins et l’inquiétude le mundillo. Nous avons peur des antis, de la suppression des piques, des futures despedidas de Ponce, Tomas ou Fundi. On s'interroge sur les fundas, la bravoure du toro, etc.


Généreux, Bartolotti ne se dégonfle pas et nous livre une à une ses impressions. Pendant presque quatre heures, il parle, il parle, peu importe si son steak refroidit. Puis le débat sort des sentiers battus et s'aventure sur la liberté de la presse taurine en Espagne et surtout en France. Entre enthousiasme et complaisance la marge est mince... et pire si affinité. Samedi soir à Bruxelles, le débat a atteint une qualité rare au cours duquel on a pu constater que la "vieille dame" n’a rien perdu de sa fougue, de son tempérament. Jamais la discussion n’aura sombré dans la naïve opposition torista-torerista. Le toro avant tout, qu'il soit Domecq ou Victorino. Puis la discussion a pris des airs de sociologie, de philosophie. La corrida peut-elle survivre dans nos sociétés de plus en plus anglo-saxonnes, de plus en plus animalistes? Chez « Toros » on en doute., un peu, beaucoup...

 

bartolotti.JPGDans un premier temps c'est la culture, le savoir de Bartolotti, qui nous envoûte mais derrière cet élégant orateur se cache un aficionado pessimiste. Le gardois paraît incapable de conjuguer la corrida au futur. Ses jours sont comptés, le ver est déjà dans la pomme. Le danger est d'autant plus menaçant que le monde taurin semble incapable de la sauver, de s'organiser. Trop de conflits d'intérêts, trop d'individualismes. 

 

Bartolotti... on le surnommerait bien volontiers « Monsieur c’était mieux avant », de la corrida à la manière d'imprimer. Il attrape de l’urticaire lorsqu’on l'invite à s’aventurer sur le Net (histoire de toucher le plus grand nombre).  On a parfois du mal à comprendre.  Perdu avec ses convictions au milieu des journalistes muselés, des présidents de palco laxistes, des toreros stéréotypés et du public anti-pique, Bartolotti en deviendrait presque moderne, que dis-je avant-gardiste. Lui qui refuse les accréditations et qui paye toujours ses places dans les arènes, a posé des conditions similaires pour venir au Club. Sait-on jamais, quelqu'un aurait pu critiquer. Chapeau bas Monsieur. 

 
Joël Bartolotti ressemble à cet autre Languedocien, celui qui chantait à qui veut l’entendre : « Mourir pour des idées d’accord mais de mort lente. » A nous d'en repousser l'échéance, ne serait-ce que pour se délecter un peu plus longtemps encore du cultissime « Toros ».

 

 

* ou mort-née le 24 avril dernier à Aguascalientes. 

 

 

 

Texte El Boby

 

  Photo Ferdinand de Marchi

 

 

 

 

 

Publié dans Reseña

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